La liberté de ne plus parler

Récemment 148 députés on voté en faveur d’un projet de loi visant formellement à renforcer les sanctions pour les propos racistes et discriminatoires. Pourtant, une loi existe déjà en ce sens qui fait pertinemment la distinction entre injure/offense et interprétation subjective de propos retenus comme tels. Ce qui la rend équilibrée et fonctionnelle. Or, il se pourrait bien qu’une telle distinction, pourtant logique, fondamentale et bénéfique non seulement à la Justice mais également à l’intelligence, s’estompe dans un futur prochain.

D’un point de vue psychanalytique, ce que l’on constate c’est que plus on se croit parfait, ou porteur unique des valeurs justes, plus l’Ombre tend à prendre sa revanche. Plus on se pose comme représentant absolu de la démocratie, plus on sombre dans l’autoritarisme sans même s’en apercevoir. Il s’agit là d’un mécanisme psychologique bien connu qui touche à l’essence même du fanatisme, lequel n’est qu’une surcompensation du doute. Donc, un véritable symptôme.

Ce qui changerait avec une telle loi, c’est que les propos retenus racistes, antisémites ou discriminatoires seraient désormais sanctionables même si prononcés en privé! Ce que l’on cherche à obtenir, sous couvert de préoccupation humaniste et démocrate, c’est ni plus ni moins la conquête de la subjectivité. Commander l’individu jusque dans son esprit. Machiavélique! Comment fera un juge pour savoir si la partie offensée dit la vérité? Impossible. Il s’agit d’une parole contre une autre. Mais ce simple fait n’arrête pas les parfaits démocrates car, eux, savent. Ils n’ont aucun doute. Comment pourrait-il en être autrement étant donné que la démocratie, c’est eux?! Les inquisiteurs ne pouvaient reconnaitre leurs doutes qui ressortaient donc dans le Réel. Ainsi, ils poursuivaient les soi-disant hérétiques jusque dans la sphère privée. Il suffisait d’une délation de n’importe quel paranoïaque ou énnemi pour que la machine inquisitoire se mette en marche. Il fallait terrasser les doutes, il fallait se montrer à la hauteur et à cette noble fin ils n’hésitaient pas à recourir à l’usage de la force, pour le bien même de l’âme de leurs victimes! Tout comme les politiques du gouvernement Macron passent des « lois baillon » pour le bien même des citoyens, tellement menacés par les nombreux démons de la discrimination. Du reste, la liberté d’expression n’est-elle pas déjà démoniaque en soi? Si le sénat qui dans le passé a déjà rejeté des dérives de ce genre devait cette fois approuver, nous pourrions dès lors prévoir que tout cela finirait très mal.

Cette tentative de commander les esprits doit être vue comme un symptôme grave et dangereux d’un système virant vers l’autoritarisme et comme une forme non reconnue de psychopathie frappant toujours plus d’élites politiques.

Antoine Fratini